par Laurent DELAUZUN
Le terme « Ardèche », devenu nom de département, est créé à la constitution de celui-ci en mars 1790. Antérieurement, l’entité « Ardèche » n’existe pas. Mieux encore, ce département à sa création, début février 1790, a été dénommé « les sources de la Loire ». Puis les 3 commissaires spéciaux, nommés par le Roi, lui attribuèrent son nom actuel, se conformant à l’avis du comité de constitution qui désignait les départements par leur situation géographique. L’Ardèche se nomme donc ainsi depuis le 6 mars 1790.
Avant cette date, il existe pour la région, quatre structures se superposant en partie :
-le diocèse « spirituel » de Viviers,
-le diocèse civil de Viviers, qui peut s’apparenter aujourd’hui à la structure départementale du Conseil Général,
-le diocèse « spirituel » d’Uzès,
-le diocèse civil d’Uzès. (1)
Qu’appelle t-on « Diocèse civil »? (1)
Il s’agissait d’une structure (l’Assiette) chargée de centraliser la perception de l’impôt pour le roi notamment. Chaque année, le Roi, via les Etats du Languedoc, imposait pour le diocèse d’Uzès par exemple, une certaine somme. Celle-ci était répartie ensuite sur l’ensemble des paroisses composant ce diocèse civil.
Chaque année d’ailleurs, autour du mois d’avril, les conseils politiques ordinaires (5) établissaient le budget communal, incluant par exemple le salaire des maîtres d’école, du garde-bois, du valet de ville, ou du greffier (ce que l’on appelle aujourd’hui le budget primitif), après avoir reçu le montant de l’assiette du diocèse (taille, taillon…) (1) (4).
Une partie des sommes versées au diocèse servait par exemple à financer l’amélioration des routes sur l’ensemble du territoire. (Ce qui correspond à la DDE actuelle).
Le montant des impôts royaux (que l’on peut assimiler à l’Etat aujourd’hui) était donc payé au siège du diocèse civil. C’est ainsi que ces diocèses civils avaient une importance bien plus grande dans la vie de tous les jours que les diocèses « spirituels ».
Avant la Révolution Française, la paroisse de Courry, faisait partie du diocèse « spirituel » de Viviers (et non de l’Ardèche, nom inexistant sauf pour indiquer la rivière du même nom à l’époque). Courry a, d’autre part, toujours fait partie du diocèse civil d’Uzès. (3)
Les habitants de Courry payaient donc leurs impôts à Uzès. Par contre, les prêtres exerçant à Courry étaient systématiquement nommés par l’évêque de Viviers, qui devait les choisir quasi obligatoirement parmi les prêtres nés ou ayant fait leurs études dans le diocèse (C’est le cas par exemple de François Esprit DELAUZUN né à Gras en 1712, nommé vers 1750 à Courry, dans le même diocèse « spirituel »).
C’est donc tout naturellement que la commune de Courry, à la Révolution Française, en janvier 1790, fût intégrée dans les limites du département du Gard, puisqu’elle appartenait au diocèse civil d’Uzès … (3)
La commune de Courry ne fut donc jamais Ardèchoise …
La paroisse de Saint Sauveur de Cruzières quant à elle, dépendait avant 1790 du
diocèse civil et spirituel d’Uzès. A la Révolution Française, 12 communes de ce diocèse, seront attribuées au département de l’Ardèche en création. Parmi elles : Beaulieu, Berrias, Saint-André de Cruzières, Saint-Sauveur de Cruzières et Chandolas, qui dépendaient toutes, du diocèse « spirituel » d’Uzès. (2)
Pour anecdote, en mai 1899, toutes ces communes et celle de Bessas font une demande de scission au préfet de l’Ardèche. Elles souhaitent en effet se séparer leurs chefs-lieux de canton respectifs, en raison de leur éloignement, pour former un nouveau canton dont chef-lieu serait Beaulieu. Ces demandes ne purent à l’époque aboutir en raison d’un refus de l’Etat. (Archives municipales de Saint Sauveur et Saint André de Cruzières, délibération des conseils municipaux, session de mai)(4)
Définitions :
(1) Diocèse civil et « assiette » en Languedoc : La province de Languedoc était divisée en plus de vingt diocèses civils (dont celui d’Uzès), dont les limites coïncidaient généralement avec celles des diocèses religieux. Après la session annuelle des Etats généraux de Languedoc se tenait dans chaque diocèse une assemblée connue sous la nom d' »assiette » ayant pour fonction originelle d’asseoir sur les différentes communautés la quote-part des impositions votées par les Etats. Des édits limitèrent sa durée à huit jours.
L’évêque était le président-né de l’assiette. L’assemblée était sous la haute autorité du roi, représenté par le commissaire principal, qui était le délégué des commissaires qui avaient siégé pour le roi aux Etats. L’évêque était assisté dans l’administration temporelle du diocèse par des commissaires ordinaires. Les communautés du diocèse envoyaient leurs députés à l’assiette. Chaque année, l’assiette nommait des officiers : le syndic, chargé de préparer le travail de l’assemblée et de faire appliquer ses décisions, et le greffier.
La session de l’assiette se divisait en deux parties : une assemblée générale, assez formelle, et une assemblée particulière, le bureau de l’assiette, où, devant une assistance réduite, se faisait le travail effectif.
L’assiette pouvait aussi proposer une imposition exceptionnelle pour une réalisation propre au diocèse ; elle joua ainsi un rôle important dans l’entretien des voies de communication. (tiré de Diocèses civils (1431-An II), Archives départementales de l’Hérault).
(5) nom ancien donné aux conseils municipaux
Bibliographie :
(2)« Et ils déplacèrent les bornes » de Jean-Marc GARDES 1989 (BM Barjac)
(3)« Le département du Gard » Eugène GERMER-DURAND 1868 (BM Barjac)
(4)Archives municipales de St Sauveur, série CC, série BB, série D …